LIVRES : 2 BIOGRAPHIES ROMANCÉES DE FEMMES PHOTOGRAPHES

Rester dans l’ombre ou entrer dans la lumière, telle est la dialectique commune du photographe et de l’artiste. Femmes d’art vous propose de découvrir deux romans biographiques dressant le portrait de femmes photographes du début du XXème siècle. Vivian Maier et Lee Miller. Leurs destinées, diamétralement opposées, ont pourtant quelque chose qui les réunit de façon singulière : le besoin instinctif de témoigner de la vie de leurs contemporains, coûte que coûte, à travers leur pratique de la photographie, comme « certificat de présence ».

1. Vivian Maier, « Une femme en contre-jour » de Gaëlle Josse, Editions Noir sur Blanc, 14 euros.

Vivian Maier a traversé la vie dans l’anonymat et le dénuement le plus complet mais a laissé derrière elle, en héritage, des milliers de clichés qui racontent l’existence ordinaire des gens de la rue à New York et à Chicago. Elle est devenue, à son insu, pionnière de la street photography

Dans ce livre, Gaëlle Josse excelle encore une fois dans son art de conteuse de l’intime. Elle sonde avec finesse le mystère Vivian Maier. Femme étrange, insaisissable, qui débarque avec des dizaines de cartons de pellicules à stocker dans le garage des familles dont elle garde les enfants. Comment a-t-elle pu conjuguer une vie de nourrice et de photographe passionnée ? Pourquoi n’a-t-elle jamais montré ses photos ? Pourquoi a-t-elle pris toute sa vie tant de clichés de la rue et tout archivé sans presque rien développer ? Il y a tant à dire et à spéculer sur ce personnage qu’on en vient à penser qu’elle est devenue un mythe que l’on réécrit et réinterprète sans cesse. Maier incarne l’archétype du geste artistique en tant qu’énigme qui surgit de façon inattendue au cœur de la vie, comme une pulsion, indépendamment des contingences matérielles. A cela s’ajoute l’injustice de sa consécration posthume qui vient encore un peu plus cristalliser dans nos imaginaires cette figure symbolique.

EXTRAIT. « Raconter Vivian Maier, c’est raconter la vie d’une invisible, d’une effacée. Une nurse, une bonne d’enfants. Une photographe de génie qui n’a pas vu la plupart de ses propres photos. (…) Son œuvre, pleine d’humanité et d’attention envers les démunis, les perdants du rêve américain, a été retrouvée par hasard – une histoire digne des meilleurs romans – dans des cartons oubliés au fond d’un garde-meubles de la banlieue de Chicago. Vivian Maier venait alors de décéder, à quatre-vingt-trois ans, dans le plus grand anonymat. Elle n’aura pas connu la célébrité, ni l’engouement planétaire qui accompagnent aujourd’hui son travail d’artiste. Une vie de solitude, de pauvreté, de lourds secrets familiaux et d’épreuves ; une personnalité complexe et parfois déroutante, un destin qui s’écrit entre la France et l’Amérique. L’histoire d’une femme libre, d’une perdante magnifique, qui a choisi de vivre les yeux grands ouverts. Je vais vous dire cette vie-là (…). »

2. Lee Miller, « L’Âge de la lumière » de Whitney Scharer, Editions de l’Observatoire, 23 euros.

Cet épais roman historique nous emporte pour un voyage dans le temps au côté de la somptueuse et tempétueuse Lee Miller. On prend grand plaisir à se glisser dans la peau de cette drôle de créature qui, de l’aveu même de son fils, a vécu mille et une vies. Jeune mannequin arrivée des Etats-Unis, elle se lance dans la photographie avec Man Ray dans le Paris des années 1930. Elle côtoie, à cette époque, Picasso, Paul Eluard, Jean Cocteau et toute une troupe. A l’origine de l’invention du procédé artistique de la solarisation, elle prend très vite son envol en tant que photographe professionnelle en ouvrant son propre studio à New York et devient une artiste surréaliste célèbre. Quand arrive la seconde guerre mondiale, elle part suivre l’armée américaine en qualité de reporter de guerre pour Vogue et livre un témoignage poignant de la vie des soldats et de l’atrocité des camps. Sa quête de vérité atteint son paroxysme lorsqu’elle se fait photographier prenant son bain dans la baignoire d’Hitler en avril 1945. Consacrée et reconnue de son vivant, Miller incarne la femme libre et accomplie qui tient la dragée haute à la gent masculine. 

 EXTRAIT. « Lee observe toutes ses vies autour d’elle et commence à redevenir elle-même – ou à devenir elle-même, pour la première fois. Ses paupières sont comme l’obturateur d’un appareil photo ; quand elle cligne des yeux, un mouvement, une image s’impriment dans son esprit. De temps à autre, une de ces images mérite d’être conservée, de sorte qu’elle la fixe sur la pellicule. » 

Amélie Villedieu

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