Julie et Léa, fondatrices de SEPTIEME Gallery

Julie Banâtre et Léa Perier Loko sont les fondatrices de SEPTIEME Gallery. Passionnées d’art, elles ont quitté leurs jobs respectifs pour réaliser leur rêve d’ouvrir une galerie. Elles ont donc posé leurs valises en octobre dernier au 31 rue de l’Université, en plein coeur du sacro-saint 7ème arrondissement parisien. Résolument ouverte sur le monde, comme elles, la galerie présente et accompagne des artistes éclectiques parmis lesquels Laure Mary-Couégnias, Férielle Doulain-Zouari ou encore Rebecca Brodskis, qui présente un duo show à partir du 23 février avec Didier Viodé. Interview croisée.

Femmes d’art : Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui êtes-vous ? 

Julie Banâtre : Je suis une new yorkaise franco-guinéenne, parisienne depuis 13 ans, galeriste depuis 3 mois.  

Léa Perier Loko : Je suis une jeune galeriste parisienne franco-béninoise, qui s’est lancée après son master en poche, un doctorat mis en stand-by et quelques années d’expériences dans le monde de l’art au sein d’une foire d’art contemporain (AKAA) et d’une agence de représentation artistique (L’Agence à Paris). 

Femmes d’art : Vous venez d’ouvrir, en octobre dernier, SEPTIEME Gallery. Pourquoi ce nom ? 

Julie Banâtre : Nous voulions un nom qui puisse être prononcé aussi facilement en anglais qu’en français, un nom qui ne nous enferme pas, qui nous laisse évoluer librement… Donc, SEPTIEME car tout bêtement notre galerie se trouve dans le 7e arrondissement. On a voulu se réapproprier ce mot, car la galerie est un peu un ovni dans le quartier : elle interpelle, étonne et surprend les habitués et touristes qui se baladent. Puis, à partir du point de départ du 7e arrondissement, SEPTIEME est un nom qui peut voyager, qui ne nous enferme pas, ce qui nous importe beaucoup, étant nous-mêmes toutes les deux moins attachées à des lieux, frontières géographiques qu’aux intersections de ceux-ci.

Léa Perier Loko : Dans “SEPTIEME Gallery”, on prononce le P et le T. On a voulu créer une petite indiscipline dans cet affaissement de la prononciation française du mot “septième” et faire sentir notre côté “résistantes”. Il y a deux lettres, qu’est-ce qui nous empêche de les prononcer ? L’idée était de retourner à la dimension brute du mot. Ça reste doux et subtil, comme notre engagement. Le détournement est là, mais reste tapis dans l’ombre, d’où le fait qu’on ne puisse que l’entendre, pas le lire.

Femmes d’art : Quel est l’ADN de la galerie ?  

Julie Banâtre : Assez naturellement, on a choisi de définir la galerie sur trois axes : un engagement latent, une indiscipline ciblée et mesurée et un décloisonnement des idées et des pratiques. Je pense que c’est qui on est et ce qu’on a envie de devenir. 

Léa Perier Loko : Avec le recul des premiers mois, je dirais que nous avons un langage artistique assez intemporel et universel, très porté sur le questionnement de ce qu’est/où va l’humanité. Je rajouterais aussi une exigence d’ouverture, d’ailleurs la façade entièrement vitrée de la galerie l’illustre bien. Pour le reste, no limits. 

Dans ce monde saturé d’images qui nous viennent de toutes parts, pour moi la galerie d’art sert de filtre, est un oeil avisé qui nous permet de découvrir des travaux que nous n’aurions pas vu ou pas su voir autrement.

Julie Banâtre.
© Monica Santos

Femmes d’art : Quelle est votre vision de la galerie d’art ? 

Julie Banâtre : Dans ce monde saturé d’images qui nous viennent de toutes parts, pour moi la galerie d’art sert de filtre, est un oeil avisé qui nous permet de découvrir des travaux que nous n’aurions pas vu ou pas su voir autrement. Elle permet aux artistes d’avoir une plateforme, de faire vivre leurs oeuvres en les sortant du studio.

Léa Perier Loko : La galerie est pour moi un passeur, un centre névralgique de rencontres entre des personnes, des oeuvres, des idées, des poésies, des revendications. En tant que galeristes, on y projette notre ouverture sur le monde en essayant de porter un regard sur la scène artistique contemporaine et de le déployer le plus loin possible. L’objectif ultime étant de donner à nos artistes le meilleur porte-voix possible. 

Femmes d’art : Comment choisissez-vous les artistes que vous représentez ? 

Julie Banâtre : Premièrement, il y a le coup de coeur pour le travail d’un artiste. Jusqu’à présent, nous l’avons toujours partagé. Mais le coup de coeur n’est pas suffisant, s’ajoute à cela l’aspect stratégique – pourra-t-on vendre le travail, quelle est la trajectoire professionnelle, le plan de développement à mettre en place?  Pour répondre à la question, on marche au coup de coeur, mais pas que.

Léa Perier Loko : Il nous faut un coup de coeur tant pour le travail que pour la personne, c’est notre deuxième étape. On attache beaucoup d’importance à nos relations avec les artistes. L’humanité a une très grande place pour nous et est un gage de pérennité incontournable. 

Femmes d’art : Julie, vous êtes passée d’une carrière dans le social… à l’art. Pourquoi ? 

Julie Banâtre : Ce fut un heureux hasard, la chance des rencontres. Après avoir travaillé 7 ans chez Emmaüs en qualité de travailleur social en centre d’hébergement d’urgence, j’ai créé une association pour rendre plus accessible le bénévolat aux parisiens. Après cette aventure, j’ai rencontré Christopher Yggdre, l’un des fondateurs de l’Agence à Paris. Je l’ai aidé à monter un projet qui mêlait le social et la mode, dans lequel je me suis parfaitement retrouvée. Puis il m’a proposé d’intégrer l’Agence et n’étant pas frileuse de nouvelles expériences, je me suis dit, pourquoi pas ? Et comme on dit aux Etats-Unis, the rest is history.

Femmes d’art : Comment vous êtes-vous rencontrées ? 

Julie Banâtre : Nous nous sommes rencontrées à l’Agence à Paris, il y a plus de trois ans maintenant.  C’est là que nous nous sommes fait la main, qu’on a développé notre oeil et appris à faire confiance à nos goûts. C’est surtout là qu’on a appris le métier d’agent qui à nos yeux est le socle du métier de galeriste. 

Léa Perier Loko : C’est drôle, quand on a commencé à travailler ensemble à l’Agence à Paris, il s’est passé plusieurs mois pendant lesquels on ne s’est quasiment pas adressé la parole. Il a fallu qu’on parte en déplacement professionnel monter une expo pendant la Biennale de Venise et partager un lit superposé d’enfant dans un airbnb pour se rapprocher. Depuis, rien à faire, on est inséparables. 

Julie (à g.) et Léa (à d.) © Nicola Lo Calzo

Je ne sais pas si on peut parler d’inspiration, mais plutôt de force. Je pense à ces femmes galeristes proches de notre cercle, qui nous ont montré le chemin, (…) qui ont accueilli notre projet avec beaucoup de bienveillance et de de soutien, on a senti une vraie solidarité. 

Léa Perier Loko

Femmes d’art : Pourquoi ce projet, ensemble, à deux ? 

Julie Banâtre : On dit souvent en rigolant qu’à nous deux nous formons une personne parfaite, mais entre nous, on le pense vraiment.

Léa Perier Loko : L’envie est venue d’abord d’un désir de voler de nos propres ailes, de faire nos propres choix. Nous avons avec Julie une manière complémentaire de travailler, on forme un tandem très efficace. On fonce. Ensemble est devenu une évidence. 

Femmes d’art : Si vous deviez vous définir, l’une et l’autre, en trois mots ? 

Julie Banâtre : Friendly, ouverte, curieuse

Léa Perier Loko : Déterminée, sensible, aventureuse 

Femmes d’art : Et définir l’autre en trois mots ? 

Julie Banâtre : Brillante, hilarante, danseuse 

Léa Perier Loko : Littéraire, protectrice, hédoniste

Femmes d’art : Quelles sont vos inspirations au quotidien ? 

Julie Banâtre : Je dirais que ma première inspiration vient de mes origines. Mon père est guinéen, ma mère est bretonne, je suis née et ai grandi à New York dans un environnement très international. Ces fondations ont orienté la façon dont j’aborde le monde et du coup la galerie. Sinon, au jour le jour, la musique me suit partout, elle rythme mon quotidien. D’ailleurs, je rêve un jour que nous fassions une expo où on pourrait associer les résonances que peuvent avoir certaines musiques avec des oeuvres d’art. 

Léa Perier Loko : Je ne sais pas si on peut parler d’inspiration, mais plutôt de force. Je pense en particulier à ces femmes galeristes proches de notre cercle, qui nous ont montré le chemin comme Catinca Tabacaru, Dominique Fiat ou Cécile Fakhoury, qui ont accueilli notre projet avec beaucoup de bienveillance et de de soutien, on a senti une vraie solidarité. Plus généralement, les femmes d’hier et d’aujourd’hui avec de la poigne et de la prestance sont une grande source d’inspiration. Beaucoup de mon énergie provient aussi de mon indignation, je lis beaucoup de romans et d’articles sur l’actualité qui sont des déclencheurs d’envies et d’influences. 

Femmes d’art : À quoi ressemble votre quotidien de galeristes ? 

Julie Banâtre : Une journée type commence avec un débriefing qui va de l’idée qui a surgit pendant la nuit, aux bonnes (ou mauvaises) nouvelles qui sont tombées depuis la veille mais aussi au dernier son naïja qui vient de sortir. Tout ça nous mène à la to do list du jour – on est assez fans des to do lists, elles apaisent, mettent bien les idées au clair, nous donnent une feuille de route. Honnêtement, entre les dossiers de résidences, de prix, de bourses et j’en passe, puis les réponses aux mails et les rdvs, la plupart du temps on ne voit quasiment pas la journée passer. Sans mentionner bien sûr la foule du 7e qui inonde la galerie tous les jours…

Léa Perier Loko : On va éviter l’éternel “y’a pas de journées type, aucune journée ne se ressemble”. Globalement nous sommes très travailleuses, on enchaîne et on s’astreint à tenir nos deadlines et nos objectifs. Pas de pause-déjeuner, nos journées sont intenses, entrecoupées de visites et de fous rires entre associées. Difficile de prédire quand elles se finissent, on est capables de bosser sur un portfolio jusqu’à minuit pour qu’il soit parfait. Sinon, les meilleures journées restent les accrochages, partir du vide et donner vie à une nouvelle expo. 

Femmes d’art : Quel artiste rêveriez-vous de représenter ? 

Julie Banâtre : A vrai dire, je suis plutôt du genre à rêver du succès démesuré de nos artistes dans 10 ans.  

Léa Perier Loko : Je rêve de représenter mon grand ami Dominique Zinkpè, qui est un des plus grands artistes que j’ai rencontré. Heureusement pour lui il est déjà très bien représenté par ses galeries. Amoureuse de la peinture, je dirais aussi Lynette Yiadom-Boakye.

Femmes d’art : L’oeuvre que vous aimeriez voir chez vous ? 

Julie Banâtre : Tribute to the Ancestors of the Middle Passage, une photographie de Andrew Tshabangu qui date de 1999. On y voit une femme, dos à l’objectif, face à l’immensité de la mer en train de pratiquer un rite, de rendre hommage à tous ceux qui ont péris lors de la traversée de l’Atlantique des esclaves. Cette oeuvre me bouleverse, elle est pour moi un exemple parfait de la puissance de l’art, ici capable d’invoquer les âmes du passé.

Léa Perier Loko : Un Bacon, qui d’ailleurs est une des principales inspirations de Zinkpè. En voyant l’expo à Pompidou je rêvais juste de revenir et de pouvoir passer une journée entière toute seule avec ces oeuvres. 

Femmes d’art : Que peut-on voir en ce moment à la galerie ? 

Julie Banâtre : L’AUTRE, un duo show de Rebecca Brodskis et Didier Viodé, est l’exposition du moment. Elle propose un dialogue entre la peinture de Rebecca qui peint des personnages interpellant issus de son quotidien et une série de Didier Viodé, Les Danseurs du Crépuscule, une étude du corps et du mouvement par le dessin. 

Léa Perier Loko : On garde le secret de la prochaine expo mais on peut vous dire qu’on part en Afrique du Sud en février pour Investec Cape Town Art Fair avec un solo show de Grégory Olympio.

Femmes d’art : Un mot de la fin ?

Julie Banâtre : Do you want more ? Follow us on instagram ! @septiemegallery

Léa Perier Loko : Burna Boy, if you read this, marry me!

SEPTIEME Gallery, 31 Rue de l’Université, 75007 Paris

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