Qui est Kapwani Kiwanga, lauréate du Prix Marcel Duchamp 2020 ?

Le 19 octobre 2020, l’artiste franco-canadienne Kapwani Kiwanga est élue 20ème lauréate du Prix Marcel Duchamp 2020 à travers son œuvre Flowers for Africa. Le prix quoi ? Qui ? L’œuvre comment ? Pas de panique, nous allons le découvrir ensemble.

Le prix Marcel Duchamp, quésaco ?

Commençons par le commencement. Marcel Duchamp est un artiste d’origine française, pionnier dans l’histoire de l’art contemporain. Vous le connaissez notamment pour ça :

M. Duchamp, Fontaine, 1917/1964 (Centre Pompidou) / source museumtv.arts

Effectivement, tourner une pissotière de 90° et la considérer comme une fontaine est bel et bien révolutionnaire. À tous les bricoleurs incompétents, j’ai envie de dire « tentez vous aussi votre chance ». Un jour viendra où l’on envisagera de créer un prix en votre honneur.

C’est ce qui se passe en 2000 pour Marcel. Le prix Marcel Duchamp a pour but de mettre en lumière les artistes contemporains français, leur engagement et leurs pratiques diverses à l’international.

Il est organisé chaque année par l’ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l’art français) en partenariat avec le Centre Pompidou. Les membres du jury (des collectionneurs de l’ADIAF) distinguent un lauréat parmi quatre artistes français ou résidant en France, travaillant dans le domaine des arts plastiques et visuels.

Parmi les récompenses données par le prix, les nommés sont exposés pendant plusieurs mois au Musée national d’art moderne, l’ADIAF aide les galeries à hauteur de 30 000 euros pour la scénographie de l’exposition, l’association permet également aux artistes d’être exposés internationalement et remet 35 000 euros de dotation financière au lauréat.

Je ne sais pas vous, mais moi j’aurai signé tout de suite.

Cette année, le prix fêtait son vingtième anniversaire. Les nommés étaient Alice Anderson, Hicham Berrada, Enrique Ramirez et bien sûr, Kapwani Kiwanga, proclamée lauréate pour Flowers for Africa

Kapwani Kiwanga, qui est-ce ?

Kapwani Kiwanga est une artiste franco-canadienne née à Hamilton (Canada) en 1978. Sa famille est originaire de Tanzanie, élément clé qui influencera son art dans la plupart de ses créations. Après avoir étudié l’anthropologie et les religions comparées à l’université McGill (Montréal, Canada), elle entre en 2005 à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.

Le dialogue sciences sociales/art contemporain qui s’opère en elle est fondateur. Ses projets se nourrissent du passé pour vivre dans le moment présent tout en nous amenant à repenser l’avenir. En effet, l’artiste allie récits historiques aux réalités contemporaines sous la forme de sculptures, d’installations, de photographies, de vidéos ou de performances. Elle joue avec les codes, les enjeux et les symboles de pouvoir pour les questionner.

Et Flowers for Africa en est un exemple parfait !

Flowers for Africa : Nigeria, 2014, protocole écrit et signé par l’artiste, documents iconographiques, courtesy Galerie Poggi, Paris © Aurélien Mole

L’œuvre, que dit-elle ?

J’ai réussi à dénicher spécialement pour vous une interview de l’artiste avec Télérama sur son œuvre Flowers for Africa. Ayant toujours considéré que les artistes étaient les mieux placés pour parler du sens de leurs œuvres, je ferai régulièrement appel à des citations.

Flowers for Africa est un projet né en 2013. Il s’inspire de photographies et de films tournés lors d’évènements diplomatiques à propos de l’indépendance de pays africains.

« Sur ces images, j’ai repéré les compositions florales présentes sur les tables des négociations, lors d’allocutions pendant la signature d’accords. Ces bouquets ont ensuite été recréés pour l’exposition. C’est une façon de repenser l’accès à l‘histoire, de questionner la valeur même d’archive et les limites qu’elle impose ainsi que l’histoire qu’elle véhicule.

Ces compositions de fleurs, amenées à se faner, sont pour moi des documents en tant que tels, des témoins silencieux, au même titre que d’autres personnes présentes ce jour-là mais qui n’ont pas pu partager leur ressenti sur des moments historiques. Il s’agit de déplacer le discours officiel, en laissant la possibilité à d’autres voix de se faire entendre. » – Kapwani Kiwanga.

FIAC, Flowers for Africa, 2015, vue du stand, Galerie Jérôme Poggi – © Aurélien Mole

L’artiste insiste sur la multiplicité de l’intérêt d’utiliser des archives comme base de réflexion : « J’aime gratter les recoins de l’histoire contemporaine afin de mieux comprendre les dissymétries de pouvoir qui ont abouti aux systèmes actuels. C’est un peu comme mener une archéologie des structures sociales et culturelles qui nous régissent aujourd’hui. »

Pour Kapwani Kiwanga, la déconstruction de ces discours dominants issus d’enjeux géopolitiques est un véritable moyen de comprendre d’où l’on vient, qui on est, et qui nous tendons à devenir. Flowers for Africa est un langage à part entière, différent, dont le but exprime une volonté de s’émanciper.

« J’appelle ça des « exit strategies », des stratégies de sortie, pour justement s’exfiltrer des carcans habituels. Je crois que l’art d’une manière générale prête à l’exploration de la nuance. Je donne à voir différemment de façon à ce que l’on puisse créer et penser autrement. 

[…]

Je crois intimement que l’on doit apprendre à composer avec la fluidité, car l’histoire n’est pas figée, mais mouvante. C’est aussi le discours porté par « Flowers for Africa », cette idée de changement, de flux, de quelque chose qui nous échappe. »

Source : https://www.telerama.fr/sortir/kapwani-kiwanga-prix-marcel-duchamp-2020-mon-travail-detricote-les-discours-dominants-6718247.php

Eloïse Duguay

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